Partena Professional
Les Digital Ambassadors
Une entreprise lance un nouvel outil numérique ou déploie un projet informatique dont les collaborateurs sont informés par un simple mail et sans vrai accompagnement. Commun à nombre d’organisations, le scénario fait partie d’un passé révolu chez Partena Professional. Une communauté de Digital Ambassadors y a été créée. Basée sur l’apprentissage par les pairs, elle a pour mission de guider et accompagner les collègues face aux évolutions du digital. Avec de beaux résultats à la clé.
Dans le monde des ressources humaines, Partena Professional n’est plus à présenter. Derrière ce groupe qui soutient l’entrepreneuriat et la gestion du personnel se cache une entreprise de belle taille employant quelque 2.100 collaborateurs répartis entre le (nouveau) siège situé à Bruxelles et 41 agences actives dans les trois régions du pays. L’an dernier, elle a intégré EASYPAY Group, soit environ 400 nouveaux collègues. « Ces dernières années, Partena Professional a progressivement abandonné la structure pyramidale traditionnelle au profit d’un mode de gouvernance collaborative donnant plus d’autonomie et de responsabilité aux collaborateurs, contextualise Zoé Gennaux, coordinatrice de projet informatique et elle-même Digital Ambassador. Nous fonctionnons avec, d’une part, un cercle englobant qui définit la vision, la mission et la stratégie de l’organisation et, d’autre part, des cercles englobés, représentant les différents métiers et les services de support. Chaque collaborateur est membre d’un cercle au minimum, avec un rôle défini dans ce cercle. Il s’agit de son rôle primaire, déterminé par les tâches qu’il accomplit majoritairement au quotidien. À côté, il peut avoir un (ou plusieurs) rôle(s) secondaire(s), qu’il exerce dans le même cercle et/ou un autre cercle. Ainsi, pour ma part, je suis Project Coordinator au sein du département IT, avec pour rôles secondaires d’intervenir au sein du cercle Communication Corporate pour la gestion de l’intranet et, également, en tant que Digital Ambassador au sein de mon propre cercle. »
Ce rôle de Digital Ambassador constitue nécessairement un rôle secondaire et s’exerce principalement au sein du cercle du rôle primaire. « Personne n’a exclusivement cette fonction, précise-t-elle. Celles et ceux qui endossent ce rôle de Digital Ambassador exercent des fonctions diverses ou viennent d’horizons variés. Il s’agit d’un rôle qu’on assume de manière volontaire. Trois conditions ont été définies pour pouvoir être un Digital Ambassador : avoir une vraie affinité avec le numérique, avoir la volonté de développer ses compétences et être disponible pour venir en aide à ses collègues. Peu importe le niveau de maîtrise ou d’expertise du numérique. Ces Digital Ambassadors vont surtout agir comme personnes-ressources au sein de leur cercle et peuvent également aider d’autres collègues dans le besoin. Ils seront formés en avant-première sur les nouveautés technologiques — principalement les outils Microsoft, mais aussi sur le déploiement de nouveaux projets IT au sein de l’entreprise. Informés de toute la stratégie IT, ils vont pouvoir distiller l’information auprès de leurs collègues et guider ces derniers dans l’utilisation des outils et l’adoption des projets IT. À l’inverse, ils pourront remonter les questionnements et feed-back de terrain pour permettre d’adapter l’accompagnement nécessaire des déploiements IT en cas de besoin. »
Besoin d’accompagnement
Quels constats ont mené à la création de ces Digital Ambassadors ? « Dans un monde où le numérique évolue à toute vitesse, il est évidemment crucial que chacun puisse s’adapter à ces changements incessants, confie Elisabeth Neusy, L&D Expert. Les équipes IT développent de plus en plus de projets impactant les collaborateurs et ceux-ci étaient demandeurs d’un accompagnement à la hauteur de ces évolutions, voire de participer activement au déploiement des projets digitaux. Or, trop souvent dans les entreprises, les nouveautés IT ne sont communiquées qu’à travers un simple mail ou sont déployées sans être testées par tous les métiers. Ce qui génère parfois des bugs et beaucoup de stress. »
Voici quelques années déjà, Partena Professional avait initié un projet visant à constituer une équipe de Digital Champions pour parer à ce risque. Mais voilà : la crise de Covid-19 est venue le chambouler avec, en sus, l’accélération des évolutions de l’environnement technologique. « Tout le monde a été obligé d’utiliser bien davantage les outils digitaux avec, parfois, la nécessité de les découvrir purement et simplement. D’où un besoin encore plus affirmé d’accompagnement. De surcroît, l’entreprise a fait le choix d’évoluer vers des solutions Cloud dans le cadre de son projet Future Ways of Working, ce qui nécessitait, là aussi, plus d’imput du business et renforçait encore le besoin d’accompagnement. »
Par les pairs
Pour réussir l’acculturation digitale — à savoir ce processus permettant aux collaborateurs de l’entreprise de s'adapter à la transition numérique, à la fois par une maîtrise des outils, le changement des habitudes de travail, la confiance dans sa capacité à tirer parti de ces outils et la réduction du stress lié à leur utilisation —, la conviction était qu’il fallait un lien plus fort entre les équipes IT, les collaborateurs et la formation continue sur le terrain. « Nous avons identifié trois groupes cibles : les starters — qui arrivent chez nous avec leur bagage, ou non, et leurs connaissances du digital, ou non —, les collaborateurs dans leur ensemble et les ‘experts’, définis comme ayant des affinités/des connaissances du digital. »
Pour les starters, un e-learning a été créé et est envoyé automatiquement via courriel dès l’entrée en service. Un membre des équipes IT participe par ailleurs aux journées d’accueil. L’objectif est de donner des explications sur l’environnement numérique et sur l’accès aux ressources disponibles. Pour les collaborateurs dans leur ensemble, un catalogue de formation sur le numérique a été créé et des sessions de coaching individuel avec un expert des outils Microsoft sont proposées. « Pour le reste, nous avons rebondi sur les enseignements de la littérature scientifique qui met en exergue l’accompagnement par les pairs comme étant la méthode la plus appropriée pour apprendre dans ce cas de figure. C’est dans cet esprit qu’a été créée la communauté des Digital Ambassadors. »
Un appel à candidatures volontaires a été lancé au printemps 2022. Quelque 40 personnes se sont manifestées — dont 20 sont toujours actives dans la communauté aujourd’hui. Lors d’un kick-off, la raison d’être des Digital Ambassadors a été présentée, ainsi que le contenu du rôle et les attentes associées. « Il est attendu d’eux qu’ils démythifient les nouveautés numériques, qu’ils suscitent de l’enthousiasme à leur égard, qu’ils mettent leurs collègues en confiance dans leur utilisation des outils et qu’ils donnent ainsi vie aux nouvelles méthodes de travail. Il leur revient par ailleurs d’identifier les défis que les collaborateurs vivent au quotidien face aux technologies et remontent leur feed-back. Bien entendu, nous avons également insisté sur ce que nous leur offrons dans ce rôle : l’accompagnement d’un coach digital, avec un coaching personnalisé d’une heure toutes les deux semaines sur des sujets décidés par la communauté sur base de ses besoins ; des sessions en présentiel à raison d’un demi-jour tous les deux mois, pour les inspirer et développer les liens entre les membres de la communauté ; le partage et l’utilisation pilote des outils et projets que nous lançons ; des ateliers liés aux évolutions du numérique — et, notamment, sur l’intelligence artificielle — ou encore un espace Teams privé pour favoriser l’interaction au sein de la communauté. »
Des relais
Depuis juillet 2022, un travail spécifique est mené sur la visibilité et l’animation de cette communauté. Les Digital Ambassadors sont identifiables en un coup d’œil grâce à un autocollant sur leur ordinateur et d’une liste accessible sur l’intranet de l’entreprise. Ils sont aussi mis en évidence à travers différents canaux de communication interne, comme le magazine trimestriel et l’émission télévisuelle mensuelle de l’entreprise. « L’an passé, un questionnaire a été envoyé à tous les collaborateurs afin qu’ils s’évaluent en matière de compétences digitales, indique Elisabeth Neusy. L’idée était d’explorer leur maîtrise des outils, mais aussi d’évaluer leur connaissance des ressources mises à leur disposition en interne pour la développer. Nous en avons profité pour demander s’ils connaissaient l’existence des Digital Ambassadors et si certains étaient intéressés de le devenir. Nous avons ainsi pu en recruter 30 de plus ! Ce qui témoigne du fait que la communauté commence à bien se faire connaître et que son dynamisme incite d’autres collègues à la rejoindre. Y participer est vu comme une forme de valorisation. »
En 2023, dès que l’acquisition d’EASYPAY Group a été confirmée, de premières synergies IT ont été lancées en vue de la migration vers l’environnement Partena Professional. « Pour ne pas vivre le manque d’accompagnement que nous avions précédemment diagnostiqué, nous avons fait en sorte de mettre en place des Digital Ambassadors en amont, raconte Zoé Gennaux. Un appel à candidatures a été lancé et nous avons pu en recruter 40 nouveaux, ce qui fait que nous sommes aujourd’hui 117. Soit un Digital Ambassador pour 17 collaborateurs et, donc, autant de relais dans toute l’entreprise. » D’ici la fin de cette année, une nouvelle formation va être proposée à cette communauté. « Jusqu’ici, nous formions les Digital Ambassadors surtout sur les outils et projets. Nous voulons maintenant davantage les développer sur la posture d’accompagnement du changement, et plus spécifiquement du changement digital. Comment rassurer par rapport au stress numérique ? Quelles activités déployer pour accompagner les collaborateurs dans ces changements numériques ? Etc. »
L’impact de ce projet se mesure au travers de plusieurs indicateurs. Tout d’abord, une participation très active des Digital Ambassadors aux sessions de coaching et de formation. Ensuite, le degré de notoriété du rôle dans l’organisation : l’an passé, 77% de l’effectif a déclaré connaître l’existence de ces ambassadeurs et 35% avoir recours à eux. Enfin, plus récemment, un questionnaire a été soumis aux équipes dans lesquelles évolue un Digital Ambassador : sur leur valeur ajoutée, un score de 8,18 sur 10 a été octroyé ; sur le fait que l’adoption des déploiements IT est facilitée, le score est de 4 sur 5. « Notre objectif n’est pas que les Digital Ambassadors deviennent des experts dans tous les domaines IT, concluent-elles. En fonction de leur métier, ils vont utiliser certains outils plus que d’autres. Notre objectif est plutôt qu’ils agissent en personnes-ressources vers lesquelles leurs collègues peuvent se tourner et que ces derniers trouvent facilement un point de contact à qui s’adresser. Le Digital Ambassador ne doit pas avoir réponse à toute question directement, mais il peut amener des réponses en interrogeant la communauté et/ou en redirigeant son collègue de la façon la plus pertinente et rapide possible. »
■ Texte et photo : Christophe Lo Giudice
Les Digital Ambassadors
L’apprentissage par les pairs